De nombreux mythes de création amérindiens présentent un schéma de base qui rappelle fortement les premières étapes de notre paradigme. Dans ces mythes, la femme primordiale bascule de la voûte du ciel, généralement précipitée par un trou sous un arbre et parfois entraînée par un ours. En ce temps, la terre est couverte d’eau. La tortue, apercevant la femme céleste qui chute, obtient l’aide d’autres animaux tels que le castor (chez les Hurons), le crapaud (chez les Iroquois) ou l’araignée (chez les Tsalagi, ou Cherokee), toujours des animaux aussi bien terrestres qu’aquatiques, pour qu’ils aillent chercher de la boue au fond de l’eau. Cette boue est accumulée sur la carapace de la tortue et permet ainsi au personnage céleste d’arriver sur une terre émergée. Puis la femme céleste accouche d’une fille qui, à son tour, donne naissance à des jumeaux ; ceux-ci se battent et, chez les Hurons, celui des deux qui est armé d’un bois de cerf sort vainqueur du combat. Chez les Taslagi (Cherokee), il semble, quoique la source soit moins fiable, que la naissance des jumeaux soit précédée de la manifestation d’un éclair jailli des ailes de l’oiseau-tonnerre ; plus tard, le jumeau au visage clair part en voyage pour rassembler la lumière.
Ces éléments épars, ces mythes évidemment apparentés et toutefois sensiblement différents, permettraient de reconstituer un scénario semblable à notre paradigme. L’origine de la femme primordiale est évidemment boréale, comme en attestent l’ours et le symbole axial de l’arbre, ce qui indique, s’il en était besoin, la forte présence de la symbolique axiale. L’arrivée sur une terre émergée dans un monde initialement recouvert par les eaux correspond exactement à l’étape 1 du paradigme. La manifestation de l’éclair pourrait correspondre à l’étape 2. L’étape 3 se voit exprimée par plusieurs indices : les jumeaux (car cette étape correspond aux Gémeaux), le retour à l’axialité avec l’indice du bois de cerf (l’étape 3 est l’accès de l’axe du monde) et le voyage (également caractéristique de l’étape 3).
Malheureusement, ces récits n’ont pas pour seul inconvénient leur polymorphisme : bien que se complétant mutuellement, ils ne s’étendent pas au-delà de l’étape 3. La mythologie amérindienne se limiterait-elle aux petits mystères ? Le chemin au-delà de la Porte des hommes serait-il resté en-deçà des lèvres des dépositaires de la Tradition orale ?
Le mythe de création Arikara, lui, rapporté par la Professeure Pierrette Désy, présente une complétude supérieure, bien que son récit tienne en peu de lignes. Les Arikara sont une tribu agricole autrefois inféodée aux rives du fleuve Missouri et localisée dans l’actuel Dakota. C’est ce récit que nous présenterons donc selon les étapes successives du paradigme des légendes et mythes.
Source : Pierrette Désy, « Amérique du Nord. Mythes et rites amérindiens ». Pierrette Désy est Professeure retraité du départment d’histoire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), spécialiste d’ethnohistoire et d’anthropologie, auteur de très nombreux ouvrages sur la culture amérindienne.
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 1
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 2
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 3
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 4
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 5
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 6
Mythe de création amérindien Arikara - Etape 7
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